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UN AIR DE DEJA VU

9 mars 2014

CHAPITRE 1 : DEJA FINI

En passant sous le pont Saint-Pierre, je jette un œil à ce joli dôme, l'hôpital de la Grave, qui se noie dans la Garonne et le soleil couchant. Je marche encore un peu vers le quai de la Daurade. J'entends ce saxophone qui plonge Toulouse dans une mélancolie jazzy que connaît bien la ville rose au printemps naissant. Les étudiants s'amassent sur les berges par petits groupes. J'aperçois alors le pont neuf et je réalise que j'ai beau avoir vu cette scène cent fois, elle n'apparaît jamais sous le même angle à mes yeux; Toujours une couleur unique, toujours un détail qui fait la différence. Pourtant, une fois encore je me sens soudain mal à l'aise. Je pourrais mettre ma main à couper..., vraiment, ce n'est pas une expression. Je serais prêt à jurer que j'ai déjà vu cette scène. La même à l'identique. Regardez, cette canette de bière qui roule, qui tombe sur la première marche, puis la seconde, mais qui va s'arrêter juste au bord avant l'eau. Exactement comme je l'imaginais. Et puis le saxophone qui stoppe net. Le musicien tousse et va se passer la main dans les cheveux. Voilà. Que se passe-t-il ensuite ? Je cherche dans ma mémoire, oui dans ma mémoire pour me souvenir de la suite. Ah oui, cette mamie dans l'angle, face à la péniche. Regardez, elle est apeurée par les sdf avec leur chien. Elle va faire demi-tour. Un pas, deux pas, c'est ça, elle rebrousse chemin et je lis sa frayeur dans ses yeux. Après c'est le vide, je ne me souviens pas ou peu. Alors pourquoi voir ça ? Là par exemple je sais que mon téléphone va sonner. A quoi ça servirait de prendre un passant à témoin ? Alors avec un sourire au coin des lèvres, je sors mon portable. Je le pose sur le banc. Je reste debout en le regardant. Et dès que les deux charmantes joggeuses me seront passées dans le dos, la sonnerie universelle du smartphone que tout le monde connait, va retentir. Pas de surprise, Aux premières notes, je décroche.

"Allo. Salut Manu.

- Hello Mattéo. J'ai parlé de tes capacités à anticiper l'avenir à ma direction. Ils préfèreraient que tu sois une sorte de consultant, mais puisque tu veux rester anonyme, c'est Suzy qui va donner l'info de demain à l'antenne du jour.

- Suzy, mais elle n'a rien à faire devant un micro. Elle est mauvaise ! Je ne sais pas si je vais pouvoir te fournir une prédiction par jour.

- Tu fais quoi ce soir ? On se fait une chicha ? Ca permettrait de parler de tout ça autour d'un bon thé à la menthe... On passe voir la chaîne de solidarité, et on part à Esquirol après ?

- Franchement Emmanuel, je ne me sens pas en forme ce soir. Parfois j'ai l'impression que tu me vois comme l'acteur de la série "Demain à la Une". Arrête, je ne suis pas un personnage de fiction. Et puis c'était sûrement une mauvaise idée cette chronique radio. Oublie-moi ce soir tu veux bien ?! Au passage c'est mon anniversaire. Tout le monde aurait du venir ce soir, mais tu vois je suis en solo et j'ai bien l'intention de le rester.

- Oh mince, complètement zappé mec. Bon anniversaire. Non sérieux tu ne peux pas rester tout seul le soir de ton anniv'.

- Allez t'inquiète, on se voit demain.

Je raccroche. Et d'un pas déterminé, je marche vers la station de métro la plus proche. Pour rien au monde je n'aurais voulu que ceux qui m'entourent ne viennent ce soir. Encore un pressentiment. J'habite au bout de la ligne A du métro, et pour éviter de les voir débarquer à Basso Cambo, je me suis brouillé un à un avec chacun d'entre eux à cause de cette frousse au ventre. La peur viscérale qu'il leur arrive malheur dans ce métro. Honnêtement, ce fut aussi l'occasion de pointer du doigt chaque méchanceté et autre trahison qu'ils m'ont faites ces-derniers temps. C'est dingue comme les gens se lient d'amitié avec vous par intérêt avant de sévèrement vous zapper quand ils ont puisé la moindre de vos ressources. Et au jour de mes 27 ans, je déambule seul entre la place du capitole et le square Wilson.

A quelques pas de la station Jean Jaurès, je vois les dizaines de manifestants que j'ai mobilisés pour un rassemblement symbolique de paix universelle. L'idée : se prendre la main pendant une minute à 18h18 en empêchant les usagers du métro de descendre à Jeanne d'Arc, François Verdier et donc Jean Jaurès, pour qu'ils s'unissent à nous dans le sourire. D'accord ça fait un peu niais, mais vu le contexte, j'ai l'impression que les gens ont besoin d'une bulle de cohésion. J'ai écrit cet article hier sur les nouveaux types de flashmob ou harlem shake avec des symboles citoyens. Je ne pensais pas que mon appel serait aussi largement entendu. Derrière cette volonté cachée de maintenir les toulousains à l'extérieur de leur métro, il reste un problème. Les rames qui circulent transportent déjà des voyageurs. Il est 18h13. J'ai trois minutes pour tenter d'interrompre le trafic. Et 2 minutes pour sortir au plus vite.

Les internautes rassemblés devant l'escalator essaient de m'empêcher de passer mais en insistant un peu je trouve une faille et je cours dans l'escalier. Je constate alors qu'il y a encore beaucoup de monde dans la station, la plus fréquentée du réseau. Petit à petit chaque visage croisé devant les points de compostage m'est familier. J'ai déjà vu, voire vécu, cet enchainement. 18h14, je scrute ce petit black accroché aux bras de sa maman qui grimace à cause de la lourdeur de ses sacs. Elle revient du supermarché de Gramont. Oui tout est comme dans mon souvenir. Et cette jolie demoiselle brune aux yeux verts avec ses écouteurs et ses bottes en cuir, comment peut-elle être aussi insouciante alors que moi j'ai le cœur qui bat ? Je me précipite vers le point le plus bas du tunnel et je n'ai plus d'autre choix que d'actionner une alarme incendie pour évacuer. Pas de rame en station. Je déclenche la tirette rouge sur le quai.

Une certaine panique s'empare alors de la foule. Quatre à quatre, les derniers usagers sortent de la plate forme. Entre le cinéma et le fast food, tous les voyageurs attendent un feu vert pour redescendre au plus vite. Il est 18h17. Alors que la chaîne de solidarité pour la paix universelle s'apprête à se prendre la main pour cette flashmob d'un nouveau genre, j'esquisse un sourire de soulagement. Les pompiers du réseau de transports en commun cherchent activement d'où peut partir ce feu virtuel. Un homme me tape sur l'épaule.

"Jeune homme, vous êtes en état d'arrestation, vous avez été filmé. Nous savons que c'est vous qui avez déclenché cette alarme. Pourquoi l'avoir fait ? Avez-vous vu un feu ?

- Non... mais...

- Vous, allez-y circulez, vous pouvez redescendre.

- Non ! Surtout pas, ne faites pas ça.

- Ne l'écoutez pas messieurs dames, rejoignez votre métro. C'est l'heure de pointe jeune homme, vous devriez avoir honte de retarder tous ces gens.

18h18. Une énorme explosion retentit. Un souffle envoie à terre tout individu situé à la sortie du métro Jean Jaurès. Toulouse vient d'être frappé par un attentat. Je l'avais déjà vu.

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4 mars 2014

CHAPITRE 2 : DEJA LIBRE

Le vent d'Autan souffle fort ce soir. Il s'engouffre jusque dans ce couloir de la maison d'arrêt de Seysses. Je marche tel un bagnard, que dis-je... je suis un prisonnier. Détention provisoire après un long interrogatoire où la vérité étrange a été dite. Je me retrouve en habits sombres, le métal résonne, et la grosse porte ne tardera pas à se refermer derrière moi. Bon anniversaire. Même dans Prison Break l'ambiance semblait moins angoissante. Et puis l'arrivée de nuit renforce l'étrangeté de la situation. Le gardien me prévient que le détenu qui partage ma cellule s'appelle Henri. Il est plus âgé que moi. La cinquantaine, des cheveux grisonnants, une jolie barbe et un regard bleu très vitreux. Je me rappelle brièvement d'un voyage scolaire à Vaison-la-Romaine où nous dormions dans un dortoir sur des lits superposés. Le premier arrivé choisissait sa place. Là, pas de choix, je m'installe sur le lit du dessous. Je m'attendais à davantage de saleté, mais malgré l'aspect rudimentaire du lieu, il semble propre. Henri me regarde avec un sourire aux lèvres.

"T'es là pour quoi toi ?, me lance-t-il ?

- Euh disons que je me suis trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. 

- T'as tué un gars, braqué une banque ?

Je ris. Moi qui n’osais même pas recopier sur le voisin à l'école, moi qui étais incapable de prendre 2 bonbons offerts à l'accueil de l'opticien, moi qui encore n’osais pas dire que j'avais 24 ans au surlendemain de mon 25ème anniversaire quand j'aurais pu avoir droit à une réduction en boîte pour les moins de 25 ans. Moi j'aurais braqué une banque ou tué quelqu'un ? Sûrement pas. J'explique alors à Henri les soupçons qui pèsent sur moi. Comment un attentat qui a tué deux pompiers dans le métro a pu être stoppé par une alerte incendie ? Serait-ce l'œuvre d'un terroriste pris de remords ? Ma seule justification était cet air de déjà vu. Et pour convaincre le magistrat, je lui ai fait comprendre que j'avais déjà vu une scène avec lui et qu'elle était consignée dans un petit carnet que je tiens à côté de mon lit pour noter tous mes rêves bizarres et autres pensées éveillé. Henri descends de son lit et s'assied alors à côté de moi. Je le sens très attentif à mes histoires. Pourtant nous ne nous connaissons pas et j'avoue que sa présence ici m'inquiète et m'intrigue. Je me perds à croire que j'évolue dans une colonie de vacances ou autre camp de scout, mais non. Je suis bien enfermé derrière des barreaux pour un crime que je n'ai pas commis. 

- T'inquiète p'tit gars, si t'as rien fait tout cela n'est que temporaire. Ils n'ont aucune preuve contre toi. Tu as juste commis un acte héroïque qui a sauvé bon nombre de personnes. Ca t'arrive souvent tes flashs ?

- Je ne sais pas si on peut parler de flashs. Je ne suis pas madame Irma. Disons que je n'en parle à personne d'habitude. J'avais décidé d'en faire une rubrique radio car ça devient quotidien et j'arrive à anticiper ce qui fera nécessairement l'actualité. Le plus souvent, ça concerne mes amis. Je me suis renseigné sur la paramnésie.

- La quoi ?

- C'est l'étrange sensation d'avoir déjà été témoin ou d'avoir déjà vécu une situation. 7 personnes sur 10 ont déjà vécu cette expérience. Avec l'hypnose certains disent que c'est une confusion avec un souvenir. Il y a ceux qui pensent que c'est le cerveau qui s'arrête de fonctionner une fraction de seconde, ou que c'est parfois l'interaction entre des médicaments qui provoquerait tout ça. Sauf qu'aucun d'entre eux n'ont mon petit cahier. J'écris mes sensations. Je ne comprends pas tout de suite à quoi ces sentiments correspondent, mais plus tard je sais que je ferai les recoupements. Je n'avais pas vu l'explosion du métro, mais je savais que tous mes amis ne devaient absolument pas le prendre. 

Et puis une certaine angoisse m'envahit soudainement. Pour le coup je comprends immédiatement ce qu'il se trame. J'ose l'humour.

-... Là par exemple Henri, je sais que tu vas mettre ta main sur ma cuisse et que tu vas tenter une approche hasardeuse. Ta situation en prison et ton manque de sexe peut certainement justifier cette attirance soudaine pour un beau jeune homme comme moi, mais je me dois de décliner l'invitation avant même qu'elle devienne concrète car tu serais alors juger pour agression sexuelle en milieu carcéral sur codétenu et cela prolongerait nécessairement ta peine, ou enlèverait toute possibilité de remise de peine. Voilà voilà.

Outré, quelque peu agressif, Henri se lève et pose sa main sur le lit du haut me laissant entrevoir le volume incroyable de poils qui constitue son aisselle. En macho dominateur il me demande sous la menace d'un poing si je le prends pour un homosexuel.

- Tu ne me feras pas croire à moi que tu n'y as pas pensé. Calme-toi, tu peux t'asseoir à nouveau. T'es en prison pour quoi toi monsieur le costaud ?

- Je suis complice d'un braquage de Casino. Pas les machines à sous. Le p'tit Casino, la supérette quoi. C'est moi qui conduisais la voiture. Et je suis pas PD. Mais t'as pas complètement tort."

Dans ce quartier de la prison, les télévisions sont autorisées. Henri rallume la nôtre en mettant le volume au minimum. Passée une certaine heure, elles doivent être coupées. Sur les écrans défilent les images du centre ville de Toulouse éventré par la puissance de l'explosion. Premières conséquences immédiates. Visiblement le trafic, déjà compliqué d'ordinaire, devient problématique. Les toulousains quittent la ville en voiture de peur d'une nouvelle explosion. Les images montrent une rocade complètement saturée. Le plan rouge est déclenché comme au temps des tueries de 2012, et la psychose d'AZF ressurgit comme en 2001. Là, pas de place pour le doute, pas d'accident possible. Un engin explosif a bien été placé sous un escalier. J'aperçois alors le juge des libertés et de la détention qui s'exprime au micro d'une chaîne toulousaine. Interrogé sur la probable mise en examen d'un jeune homme, il dit ne pas vouloir répondre. Et derrière lui, au même moment, un accident se produit. Accrochage entre 2 voitures sous les caméras de la télé de Toulouse.

Un gardien entre et éteint la télévision, me rappelant quelques règles au sein de la prison. Sans broncher, je me couche. Henri fait de même. Je lui dis "bonne nuit". Il ne me répond pas. Les codes de la politesse n'ont pas l'air d'être identique dans cet endroit. Je pense alors à mes parents. J'aimerais tellement leur dire que je les aime. Je pense à mes amis. Lesquels d'ailleurs. Personne n'a cherché à me joindre. Je me sens seul ce soir, sans gâteau, sans bougie, sans même la liberté. Les heures passent. Je ne trouve pas le sommeil. Je réfléchis au fait que toute ma vie, je me suis tourné vers les autres, sans jamais obtenir un remerciement en retour. Mon dernier acte de bravoure m'a mené dans ce trou à rat. Pourquoi n'ai-je jamais dit que j'avais ce don ? Pourquoi n'en avoir jamais profité ? Comme un déclic je m'insulte. Ca suffit.

Le jour se lève. Je n'ai quasiment pas dormi. Les portes s'ouvrent et chaque détenu bien discipliné rejoint le réfectoire pour manger le petit déjeuner. Je suis Henri un peu comme un père. Tout le monde traine des pieds. Le sol, fraîchement nettoyé, glisse. Je découvre le visage de tous ces malfaiteurs. A leur tour ils me dévisagent. J'ai l'impression de vivre une mauvaise expérience dans une téléréalité trash. Pas le temps d'aller dans la cantine, un gardien m'appelle par mon nom, haut et fort. J'ai une visite. Après un long dédale, j'entre dans cette pièce où l'on réunit mes affaires dans un sac et où je me retrouve nez-à-nez avec le juge. 

- Jeune homme, nous avons récupéré votre calepin. En effet à l'intérieur vous parliez déjà de moi. Dans la description de la scène, vous mentionnez non seulement la présence d'une télé toulousaine, mais également d'un accident lors de l'interview. Et c'est exactement ainsi que l'entretien s'est déroulé. Hier soir j'ai fait interroger les protagonistes de cet accident pour m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un coup monté. Et compte-tenu du résultat de cet interrogatoire je ne peux que constater les faits. Vous m'aviez annoncé par écrit quelque chose qui a bien eu lieu. Or si ce que vous dites est vrai, il se peut que vous ayez fait preuve de beaucoup de courage hier en évacuant tous ces usagers des transports. Pour éviter une erreur et parce que je suis bluffé, j'ai accéléré la procédure, vous êtes libre. Néanmoins votre petit cahier reste dans les mains de la police. Certaines histoires à l'intérieur nous laissent perplexes. Accepteriez-vous de nous aider en vous remémorant quelques éventuels indices ? La méthode peut paraître atypique, mais le contexte l'est.

J'accepte la proposition. On me laisse alors la possibilité de me changer et je sors de la prison avec l'intime conviction que je vais y retourner.

1 mars 2014

CHAPITRE 3 : DEJA LU

A Lyon, Eléonore emprunte un chemin qu'elle connait bien. Elle arrive dans une ruelle comme pour aller voir son copain. Elle, 28 ans, lui 32 : ils ont décidé de vivre en couple, mais pas dans le même appartement. Chacun son espace et donc chacun son indépendance. Habituellement toujours bien maquillée pour embellir ses yeux noirs qui ressemblent déjà à 2 pépites de café dont on perçoit toujours les éclats de saveurs, il se trouve que ce soir elle n'a pas pris la peine de se faire belle. Pas coiffée, elle porte même un bas de jogging qu'elle ne met que pour aller au sport le dimanche matin. Or ce samedi soir ne laissait présager rien de commun. Une fois par mois, Elo et Benjamin décidait de se réserver une soirée avec leurs amis respectifs. Soir de match de l'Olympique Lyonnais, Benji devait forcément se trouver dans l'un de ses bars fétiches. Pourtant Eléonore n'y croyait pas. Elle arrive à destination, devant la porte de l'immeuble de son "cœur d'ange" comme elle le surnomme. Elle compose le code de la porte et appuie sur le bouton de l'ascenseur. A peine l'appareil se met il en mouvement que le code est composé à nouveau. Au bruit des touches, Elo choisit de prendre l'escalier en vitesse et de se cacher à un étage supérieur. Une jeune femme aux talons repérables à 2 kilomètres passe l'entrée du hall et appelle à son tour l'ascenseur. Il vient d'ailleurs d'atteindre le rez-de-chaussée. La porte s'ouvre. Eléonore se met en chasse du "monte-charge". C'est comme ça qu'elle évoquait l'ascenseur quand elle l'utilisait, pensant que ses fesses et ses quelques kilos en trop, constituaient une surcharge que l'ascenseur élevait avec difficulté jusqu'au troisième étage. Elo monte donc au 2ème palier et se rend compte que la fille aux talons s'y est arrêtée elle aussi. Mais Eléonore n'a pas eu le temps de voir dans quel appartement elle est entrée. Elle pose son oreille sur la porte de Benjamin et entend murmurer. Le plus délicatement possible elle sort la clef que son chéri lui avait remis en double il y a maintenant 2 ans, et elle ouvre le plus délicatement possible la porte. 

Surprise. L'appartement est éclairé. Au demeurant, le lieu aurait du être vide. C'est un long couloir et à chaque étape une pièce pour l'ordinateur, une autre pour la cuisine, une autre pour la salle de pain et celle du fond pour la chambre. A priori, Benjamin est là mais, au fond. Son portable est posé à l'entrée. Il est encore allumé, comme s'il venait de recevoir un texto et que la mise en veille n'avait pas eu le temps de le noircir. Il l'a peut être tout simplement consulté il y a moins d'une minute. L'objet est donc déverrouillé. Elo s'en empare et se précipite sur les derniers textos. Elle y lit notamment cette conversation qu'elle remonte à l'envers et qui émane d'une Lucie. Elo ne connait aucune Lucie.

"Je peux être là dans 10 minutes si tu veux. J'ai trop envie de te voir bébé. T'es de plus en plus beau. Envoie-moi une photo"

Et c'est une photo à moitié dénudé qui est envoyée. Lucie comprend que son cher et tendre n'a rien d'un supporter ce soir. Et pas à pas elle se dirige vers la fin de son histoire et passant la première porte blanche, puis la seconde, puis la troisième et ouvre la dernière. Allongés sur le lit qu'elle aimait tant, elle ressent une nausée terrassante. La porte finit de s'entrouvrir en silence et le clic de l'appareil photo fait sursauter les deux amants. Elo dit alors : 

"Voilà comme ça tu auras un souvenir un peu porno de ce dernier jour où nous nous voyons. C'est dommage que tu n'aies jamais cru à mes impressions de déjà vu, car cet après-midi, va savoir pourquoi j'ai fait une sieste mais j'ai entendu des talons dans mon sommeil; Des talons qui montaient jusqu'à toi. Je n'aurais jamais du annuler mon petit déplacement à Toulouse chez ma sœur. Attentat ou pas, je me serais senti plus à l'aise qu'ici et tu aurais eu toute la semaine pour t'envoyer Lucie. Bonsoir Lucie. C'est moi sa copine. Ne fais pas l'étonnée, s'il t'a dit qu'il était célibataire, ce n'est pas vrai depuis 3 ans. Bref je pars demain. Je te rends le double de tes clefs et je ne veux plus jamais avoir à faire à toi."

Tournant les talons à son tour comme le dit l'expression, ou plutôt les baskets dans son cas, Elo revoit l'intégralité de ses souvenirs avec Benjamin défiler le long de ce couloir, pour le coup interminable. Il tente de la rattraper mais elle lui jette un regard qui en dit long sur l'intensité qu'un arôme de café peut avoir quand il est bouillant. 

 

1 mars 2014

Personnages principaux

Mattéo. Journaliste (presse écrite) de 27 ans, blond, yeux verts. 

Emmanuel. L'animateur radio sur Radio Toulouse.

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UN AIR DE DEJA VU
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